[Intrigue 1] P'tit déj' ardent...

La jeune fille trébucha dans sa course. Elle rampa difficilement pour s’abriter dans une alcôve. Elle tenta de reprendre son souffle. Chaque inspiration lui arrachait une grimace de douleur. Elle ressentait une pointe au niveau de son flanc droit, sans doute quelques côtes cassées. Elle chassa une mèche de cheveux de son visage maculé de sang à peine coagulé. Son poignet gauche lui faisait mal, elle peinait à garder sa baguette fermement entre ses doigts endoloris. Une armure se disloqua dans un bruit assourdissant, relayé par un rire sadique. Les pas se rapprochaient… La jeune sorcière resserra sa prise sur sa baguette magique et ferma les yeux, le visage crispé.

- Je sais que tu es là… ça ne sert à rien de fuir sang de bourbe…

L’écho de ses pas s’arrêta. Il était tout proche. Sa baguette fendit l’air en même temps que ses lèvres se murent. Un éclair aveuglant déchira le couloir dans un « bang » assourdissant.

Jaina se réveilla brusquement… la tête à l’envers. Elle plaça ses mains sur ses paupières. La sensation de fraîcheur dissipa peu à peu le picotement de ses rétines. Sa respiration revint lentement à la normale. Ce cauchemar l’avait tellement affectée qu’elle en était tombée à moitié du lit. Une tête masquée dépassa du rebord et la fixa d’un air interrogateur.

- Ca va, Azz. Rien qu’un mauvais rêve de plus… le rassura-t-elle, un léger sourire en coin.

Et pourtant tout avait l’air si vrai. Cette voix sifflante, l’éclair… La jeune sinople regagna son lit et fixa le plafond de son lit à baldaquin. Elle chercha sa montre à tâtons. 3h45 indiquaient les deux aiguilles phosphorescentes. Le soleil était encore loin de se lever. Mais comment se rendormir après de telles images. Sa main glissa le long de son flanc, lui arrachant un frémissement. Aucune douleur, évidemment. Elle sentit le contact rassurant de son familier sur son ventre.

« Bip »

Jaina ouvrit les yeux pour se retrouver dans une semi obscurité. Les torches s’étaient rallumées, une de ses camarades venait sans doute de quitter le dortoir. Elle compta jusqu’à trois puis s’assit sur le bord de son lit. Elle étouffa un bâillement. « J’aurait bien dormi une heure de plus… » se dit-elle en passant ses mains sur sa nuque. La jeune Serpentard se changea puis rangea rapidement son coin de vie..

Jaina aimait l’ambiance du petit déjeuner. C’était toujours moins bruyant que les autres repas. Il n’y avait pas vraiment d’heure fixe, le lever était relativement échelonné. Elle remplit son bol de céréales et chercha des yeux le lait chaud. Un bruissement familier lui fit lever la tête. Une centaine de hiboux rentraient par les nombreuses fenêtres de la Grande Salle et distribuaient leur coli aux élèves. Voir ce ballet aérien la mettait de bonne humeur. La jeune fille trouva enfin le pichet de lait chaud quand une lettre atterrit dans son bol. L’enveloppe était immaculée, aucune inscription n’y figurait. Jaina jeta un coup d’œil à ses voisins mais apparemment aucun d’eux ne semblait attacher d’importance à ce courrier. Délicatement, elle en sortit une feuille de papier aussi blanche que l’enveloppe. Blanche d’écriture. Elle tourna la feuille dans tous les sens, mais le papier était résolument vierge de toute lettre. Jaina allait ranger la feuille quand une fine écriture noire se profila lentement.

Il est temps pour toi de comprendre,
Que ta place n’est pas entre ces murs.
Comment as-tu osé prétendre,
Souiller cette maison d’un sang impur.
La vérité va se répandre,
Montrer à tous ta vraie nature.
La punition se fait attendre
N’entends-tu pas son doux murmure ?

Elle relut la lettre trois fois de suite. Mais qu’est-ce que cela signifiait ? Il y avait-il un rapport avec l’annonce affichée dans toutes les salles communes et lieux importants du château ? Jaina secoua la tête, plia la lettre et la rangea dans sa poche. Elle se servit enfin en lait chaud quand un détail l’arrêta. Une part de tarte à la citrouille reposait à côté de son bol. Appétissante certes mais elle ne se souvenait pas de s’en être procurée. Son ventre se manifesta à ce moment, effaçant toute pensée suspecte envers cette part alléchante. « Vraiment délicieux ! » se félicita-t-elle après la dernière bouchée.
Un léger picotement se fit sentir au niveau du front. L’intensité s’accrut. La gêne devint brûlure.

- Aïe ! cria-t-elle, attirant les regards de ses voisins, une main sur son front.

La douleur était si violente que les larmes lui montèrent aux yeux. Elle étouffa un cri en mordant son poing.

- Ca va ?? lui lança un Serpentard.

La brulure se mua, toujours plus vive. Jaina avait l’impression que sa tête allait exploser. Ses rétines s’embrasèrent. Elle se leva de table aveugle et trébucha contre le banc. Elle ne sentit même pas le choc. La jeune fille heurta le sol pavé de la Grande Salle, où régnait désormais un étrange silence. Presque tous les élèves étaient maintenant debout. Son esprit se déconnecta, pour lui épargner la douleur, devenue insupportable. Ses mains glissèrent de son visage, dévoilant son front, marqué d’une sombre marque. Quelques cris s’élevèrent autour d’elle. Une voix puissante tonna avant que Jaina ne se perdent dans les ténèbres.

Alberic confortablement assis dans son fauteuil prenait son petit déjeuner dans la Grande Salle de Poudlard. Il avait pour seule réelle occupation en ce matin de décembre que d’observer les élèves qui s’appropriaient peu à peu les lieux pour faire taire leur estomac. En réalité, le directeur n’avait lui-même pas réellement très faim. Les derniers événements et plus particulièrement la lettre qu’il avait reçue quelques jours auparavant avaient mis à mal son appétit légendaire, mais il s’efforçait tout de même de faire parvenir à ses lèvres quelques morceaux de brioche piochés ici et là par ses longs doigts délicats pour éviter de tomber comme une masse à la fin de la journée.

Alberic, en même temps qu’il savourait la mie de sa brioche, portait son regard vif et perçant sur la table des Serpentards. Cette maison l’intriguait ... Certes cette dernière avait réussi à se faire pardonner des autres mais elle manifestait encore aux yeux du directeur un peu trop d’animosité à l’égard des sorciers qu’elle jugeait impurs. Cette hostilité à l’égard des nés-moldus n’était pas présente chez tous les sorciers issus de Serpentard et Alberic le savait ... Il savait aussi que cette haine était développée principalement chez les héritiers des grandes maisons de sang-pur qui étaient élevés dans l’optique de se venger des sangs de bourbe. Ces familles se cachaient bien d’afficher leurs opinions pro-sang-pur par peur et sachant pertinemment que cette époque était révolue depuis la mort de Celui-dont-on-ne-devait-plus-prononcer-le-nom. Cela faisait donc plusieurs jours qu’il s’attelait à observer les faits et gestes des uns et des autres pour démanteler d’éventuels fauteurs de troubles et mettre un terme à cette vague de panique qu’avait déclenché le groupe pro-sang-pur qui s’était certainement infiltré dans les rangs de Poudlard via la maison de Salazar Serpentard.

Les doigts d’Alberic cessèrent de l’alimenter lorsque son attention se porta sur une élève sinople qu’il connaissait seulement de vue. Elle affichait une mine fatiguée et avait sûrement du passer une très mauvaise nuit ... Son comportement n’était pas naturel et il le fut d’autant moins lorsqu’elle ouvrit une lettre pour en sortir une feuille, que de loin Alberic aurait juré voir vierge. L’élève conforta son hypothèse quand il la vit tourner maintes et maintes fois le bout de parchemin. Alberic pressentait qu’une mauvaise chose allait arriver, et bien que son cœur fit un bond lorsque l’élève tomba à terre quelques minutes plus tard, il ne fut guère surpris. Au même moment une masse d’élève s’était agglutinée autour de la victime et Alberic dut agiter sa baguette pour disperser le groupe de malotru qui lui gâchait la vue.

Les élèves obéirent tous pour laisser passer le directeur, la plupart étant bouleversés par ce qu’ils venaient de voir. Alberic, intrigué, se pencha sur le corps de la jeune victime et constata avec horreur la marque apparente sur le front de la jeune fille. Quelques secondes s’écoulèrent avant qu’Albéric ne reprenne ses esprits et prenne enfin la parole.

Le directeur jeta un regard noir aux préfets ainsi qu’aux élèves qui comprirent aussitôt qu’il ne rigolait pas et que la situation était plus grave qu’ils ne le pensaient. Dans un immense capharnaüm les élèves s'exécutèrent. Lorsque la foule fut suffisamment éloignée Alberic examina plus amplement le corps de la jeune fille, il fallait d’urgence la conduire à l’infirmerie.

- Joshua et Circée je compte sur vous pour conduire cette élève à l’infirmerie et vous en occuper. Elle aura besoin d’une potion suffisamment forte pour se rétablir, j’ai donc besoin de votre expérience à tous les deux. Le sortilège qui l’immobilise m’est inconnu ... Je n’ai encore jamais vu un cas de ce genre ... De la magie noire cela ne fait aucun doute ! Les autres professeurs, je compte sur vous pour exécuter des rondes dans le château, et veiller à rassurer les élèves ! La situation est bien plus grave que je ne le pensais ... Il faut que j’alerte les aurors qui surveillent les alentours, nous avons besoin d’une surveillance rapprochée au sein même du château ... Ils en référeront au ministère lui-même.

Les collègues et amis frissonnèrent devant le sérieux d’Alberic et son inquiétude. La marque qui était présente sur le front de la victime rappelait étrangement la marque des ténèbres qu’il avait vu pour la dernière fois lorsqu’il était enfant. Mais les lettres que symbolisaient-elles ? Lorsque Joshua et Circée soulevèrent le corps de la victime, la lettre qu’il avait aperçu de loin tomba de sa poche et Alberic la rattrapa au vol. L’écriture lui était familière, car c’était la même que celle de la lettre qu’il avait reçu quelques semaines plus tôt dans son bureau.

- J’ai peur que le groupe pro-sang-pur ne plaisantait pas lorsqu’il m’a envoyé la lettre et qu’il se soit effectivement infiltré au sein du château ! Soyez sur vos gardes ...

Alberic appuya son regard pour faire comprendre à ses collègues qu’ils pouvaient partir s’occuper des tâches qu’il leur avait confié. Il s’emmitoufla dans sa cape mordorée et d’une démarche assurée se rendit dans son bureau, à la recherche de réponse à ses questions.

La grande salle se remplissait peu à peu, envahit par des hordes d'élèves à demi ensommeillés venant prendre leur petit déjeuner. Levée depuis déjà une bonne heure l'enseignante terminait son propre repas, composé exclusivement d'un thé bien fort et de quelques gâteaux secs. Son venimeux reptile lové dans son cou ajouter une touche vivante à la longue robe de velours vert sombre qu'elle portait ce matin. Shee demeurait parfaitement immobile à la manière d'un étrange collier, digérant son propre repas qu'il avait pris un peu plus tôt. L'enseignante songeait à se retirer dans ses cachots pour préparer son prochain cours destiné aux dernières années quand un cri provenant de la masse vert et argent s'éleva au milieu du brouhaha des conversations. Les sourcils froncés, l'enseignante tourna la tête, l'air froid et sévère, cherchant de ses yeux perçants la cause du chahut. Ses pupilles se braquèrent sur une jeune Serpentard dont le visage ne lui était pas inconnu. Circée se souvenait parfaitement de celle ci pour avoir réussi l'exploit de faire sauter un chaudron dès le premier cour.

La professeur reconnu aussitôt les effets d'une sombre magie devant les contorsions de la fillette mais Alberic, plus attentif se frayait déjà un passage entre les tables pour rejoindre l'enfant. Loin de céder à la panique ambiante, la maîtresse des potions se leva de table et traversa la grande salle d'un calme olympien. La résonance lourde de ses talons sur le sol annonçant son approche au dessus des éclats de voix, les curieux qui s'étaient redressés pour épier ce qu'il se passait s'écartèrent aussitôt du passage, sentant qu'il était préférable de ne pas se frotter à la colère de l'enseignante qui dégageait une aura aussi glaciale et imposante. Certains petits malins essayaient certes de se faufiler dans son sillage pour s'approcher mais il y avait plus important dans l'immédiat que les réprimander. Lorsque l'ordre du directeur tomba, Circée se trouvait seulement à deux pas derrière lui, diagnostiquant d'un oeil avisé la magie à l'oeuvre ici. Il fallait agir au plus vite, mais la précipitation n'apportait jamais rien de bon. Sa voix, d'une froideur abyssale résonna dans le hall malgré son ton susurré.

- Je doute que notre brave infirmière ait déjà eu affaire à ce type de magie..

Aussi talentueuse soit elle, l'infirmière ne disposait certes pas des compétences d'un médicomage accompli et le sous entendu de l'enseignante des potions pointait explicitement son manque probable d'expérience dans ce genre de situation. Le curieux symbole qui ornait désormais le front de la fillette impliquait l'usage d'un sortilège, mais un sortilège plutôt déroutant puisqu'il agissait après l'ingurgitation d'un produit ce qui d'ordinaire caractérisait les potions. Les formes de magies alliant décoctions et maléfices demeuraient sans aucun doute parmi les plus puissantes et difficiles à enrayer. Sortant une unique fiole de sa robe, Circée s'agenouilla aux côtés du corps inerte et se pencha au dessus de l'élève afin de le lui administrer de force à travers ses lèvres closes. Normalement, le philtre devrait permettre au moins de limiter les dégâts en contenant la propagation des effets néfastes, faute de pouvoir annuler le mal déjà fait. Cela accordait un peu plus de temps pour agir avant d'atteindre le point critique de non retour, mais encore fallait il que ses effets ne soient pas inhibés par une magie plus puissante.

- Je vous laisse conduire votre élève auprès de l'infirmière, Joshua. Je vais voir ce que je peux faire.

Alberic lui avait certes demandé de s'occuper de la fillette, mais la sorcière ne disposant malheureusement pas sur elle du remède adéquat, elle ne pouvait pas être d'une grande utilité dans l'immédiat. Fidèle à elle même, Circée disposait d'une large panoplie de poisons et d'antidotes sur elle, mais rien d'utilisable dans ce cas bien particulier. Cependant elle était certaine de pouvoir confectionner un sérum efficace en un temps record, nulle potion ne lui avait jamais résisté.

- Je vous y rejoindrais le plus vite possible.

Ajouta t-elle en se redressant avec fluidité. Dans un susurrement d'étoffe, la ténébreuse se glissa par la grande porte aussi rapide et silencieuse qu'un serpent avant de disparaître dans le hall, allongeant le pas en direction des cachots.

Sevyrys venait de prendre ses fonctions à Poudlard, remplacant la précédente infirmière. Une fois au fait des dossiers médicaux et autres sujets sensibles, l'ancienne détentrice su poste la laissa, seule, dans l'infirmerie.
Sevyrys a toujours, secrètement, espéré revenir à Poudlard, mais le poste très prisé était très diffile à obtenir, et ce ne fut qu'au pris de colossaux efforts qu'enfin, elle l'eut.

Elle regarda de plus près l'infirmerie et les étagères recouvertes de bandages et potions. L'atmosphère blanche conférée par les murs et les lits immaculés lui donnait mal à la tête, et elle se promit de réorganiser tout ça dans la journée.

Notre jeune infirmère tout droit sortie de l'école de médico-magie allait se plonger dans la passionnante lecture de l'inventaire lorsque du bruit se fit entendre par delà les portes.
Il était pourtant très tôt, à peine l'heure du petit déjeuner, et elle espérait que les élèves ne commencaient pas si tôt leur carrière de fauteurs de troubles - et de bleus.
Mais, hélas, premier jour, premier cas

- Mélanie, vite, on a un problème !

Un jeune homme venait d'entrer en trombe dans l'infirmerie en portant une jeune fille, visiblement mal en point. Il marqua un temps d'arret et l'apperçevant

-Ou es Mélanie ?
-Partie, je la remplace.. Que se passe-t-il ?

Je m'approchai rapidement et fis léviter la jeune fille jusqu'au lit le plus proche pour l'examiner.

-Mais ... Que lui est-il arrivée ? Elle semble figée, mais ... pas "normalement". Je ne comprends pas, qu'est-ce que... Vous lui aveez donné une tion ? Bonne initiative, il ralentit l'infection. Bon, c'est pa tout, mais faut que je bosse moi.

Elle s'activa alors, cherchant avidement parmis les étagères, feuilletant un livre ici ou la, et vérifiant régulièrement l'état de la jeune fille.
Après des heures de recherches, elle claque violemment le dernier livre, frustrée.
Mais à quoi bon les années d'études si, dès le premier jour, elle se révélait incapable de comprendre ?
Cette magie la était bien plus noire que tout ce qu'elle avait pu voir d'ici la.
Elle s'approcha de la jeune fille et la regarda tendrement, presque en s'excusant

-Il faut que je vois le directeur.

Cette journée s'annonçait banale quoique sujette à de nombreuses tensions qui s'accroissaient dangereusement, à mesure que des évènements inquiétants ponctuaient le quotidien de nos apprentis sorciers. Lily se réveilla aux alentours de six heures, en proie à une migraine très récurrente ces derniers temps, qui amoindrissait ses capacités de concentration, ainsi que sa motivation dans l'ensemble de son travail. Elle devenait irritable, et se focalisait inconsciemment sur cet handicap qui devenait de plus en plus contraignant. En chatouillant le plancher de sa chambre du bout de ses orteils, assise au bord de son lit, elle ne sut si elle aurait le courage d'avaler quoique ce soit, en cette période de la journée qui était toujours une véritable épreuve pour chacun. D'abord, supporter l'haleine de phoque de son voisin qui, après avoir ronflé toute la nuit, se réjouit du sommeil réparateur dont il aura bénéficié, contrairement à ses confrères qui auront subi sans broncher. Lily se distinguait de son prochain par sa discrétion, mais à bien y réfléchir, elle n'était plus aussi sûre de pouvoir endurer cela plus longtemps, feignant de s'en ficher, alors qu'elle y prêtait une considération témoignant de son sens de l'observation.

Malheureusement pour elle, en tant que jeune préfète fraîchement détentrice de ses fonctions, elle devait montrer l'exemple, faire preuve d'une droiture et d'une sagesse irréprochables, en ajoutant à cela des résultats scolaires suffisamment convenables pour faire honneur à sa maison. Une corvée qui s'était muée en un challenge qu'elle accepta de relever avec d'autant plus de sérieux, qu'elle suscitait parfois l'agacement de ses camarades. Ils jugeaient qu'elle prenait tout trop à coeur, mais ce n'était pas eux qui devaient se coltiner des jouvenceaux insouciants à longueur de temps, qui n'en faisaient qu'à leur tête, et qui n'avaient aucune idée de ce que pouvaient être l'honneur et la bravoure. Oh et puis, passons les petits détails insignifiants, qui suffisaient malgré tout à la rendre irascible voire intraitable.

Ce fut donc la tête dans le brouillard, et le regard perdu dans le vide, qu'elle prit place avec ses compatriotes à la table assignée aux Serdaigle depuis le début de cette première année d'apprentissage. Sans vergogne, elle bâilla bruyamment et omit de mettre sa main devant sa bouche, engendrant la surprise de ses larbins qui avaient été habitués à la voir plus attentive à ses propres faits et gestes. Une étrange ambiance régnait ce matin là, on sentait que les évènements de la veille en tracassaient plus d'un, dont notre cher directeur dont l'appétit légendaire était au plus bas. Une moue contrariée prenait perpétuellement place sur son visage, tandis qu'il semblait occuper sa position de grand chef en ayant la sensation d'être sur la sellette. Lily le comprenait plus ou moins, sauf qu'elle n'avait aucune idée de comment elle aurait procédé à sa place. En attendant, il n'y avait que les brioches bien gonflées pour attirer son regard, et éveiller son attention. La voilà qui s'en appropria un morceau qu'elle trancha méthodiquement, prévoyant d'y étaler méticuleusement de la confiture, seule chose qu'elle se sentait capable d'ingurgiter, sans se précipiter aux toilettes des secondes après. Mâchant lentement mais sûrement, elle entendait son ventre émettre des borborygmes dont elle rougit, s'efforçant de les camoufler en engageant une conversation avec ses voisins.

Tout à coup, ce fut la panique à la table des Serpentards. Voilà un groupe qu'elle avait complètement omis d'analyser, et ce fut dans la stupéfaction la plus totale qu'on se précipita vers une élève qui paraissait très mal en point. Alberic se rua jusqu'à elle, se frayant un chemin parmi la foule qui s'était agglutinée autour de la pauvre enfant inerte. Lily faisait partie de ceux qui se firent tacitement sermonner pour leur manque d'initiatives en tant que Préfets. Ainsi, de vive voix, on leur somma de conduire les élèves de leur maison dans leur salle commune. Sans rétorquer quoique ce soit, elle claqua des doigts pour attirer l'attention de ses camarades sur sa personne, suite à quoi elle leur demanda de se regrouper.

- Allez mes p'tites larves, on se bouge le train. C'est pas le moment de traîner, il nous faut rejoindre nos quartiers. Suivez-moi et que personne ne s'avise de s'éloigner sinon, il verra ses fesses rougir tant et si bien qu'il n'y comprendra rien.

On sourit à cette réplique et tout en gardant un oeil ébahi sur le corps amorphe de l'élève malade, la majeure partie des Serdaigle commença à mettre les voiles, avec leur préfète en tête.

Hybrid aimait descendre dans la Grande Salle au moment où les esprits remarquaient son absence. Il lui arrivait de ne pas manger du tout d’ailleurs, ce qui n’avait finalement aucune importance puisque les elfes de maison palliaient ce manque à l’heure du thé. Ce matin-là, elle avait pressenti les ondes négatives d’un ou deux élèves qui n’avaient certainement pas dormis de la nuit, les yeux remplis d’étoiles et de symboles obscurs. Se réjouissant évidemment du tourment qu’elle infligeait à ces garnements (**en es-tu sûre, plume à papotte ?**), elle descendit de sa tour d’ivoire en regrettant le week-end.
Parvenue dans la Grande Salle et persuadée d’un grand triomphe (**si tu continues, je te désintègre**), Hybrid stoppa net devant le spectacle qui s’offrait à elle. Relevant légèrement les sourcils, c’est-à-dire faignant la surprise polie tout en faisant croire que cela ne lui était pas étranger alors qu’en réalité il s’agissait bien d’une réaction stupéfaite (**tu l’auras voulu !**) …

Hybrid donc, resta bouche bée quelques secondes. Elle vit de ses yeux vitreux une masse d’élèves tourbillonner sans but véritable et le directeur se frayer un passage jusqu’à l’élève en difficulté. Hybrid sortit enfin de sa léthargie lorsqu’elle entendit les consignes d’Alberic Bullstrode :

« Des rondes dans le château ? Vous voulez dire… des rondes ? Le genre de promenade sans parler ni boire qui durent des plombes ? Ahem… Avec plaisir, bien sûr, j’ai tout à fait récupérer de mon week-end et n’attendait que ça ! Oui, vive l’esprit loyal et solidaire des Poufsouffle! Je meure d’envie de… Ok, j’arrête. On dira que c’était pour rassurer les élèves. »

Hybrid était néanmoins bien plus contente qu’il n’y paraissait : Oh, bien sûr, il était terrible qu’une élève pâtisse des théories fumeuses d’une bande d’imbéciles du troisième âge. Mais ces apprentis sorciers lui promettaient au moins un peu d’animation. Elle interrogerait d’abord les runes dans le secret de son antique caverne, et mettrait bientôt ses élèves à contribution, pourquoi pas ? En attendant, on attendait certainement de sa part qu’elle se comporte en adulte responsable (**est-ce possible ?**) et reléguant dans un coin de son cerveau les multiples questions qui ne manquaient pas d’affluer, (**les Canons de Chudley gagneront-ils face aux Frelons ? le Chicaneur publiera-t-il son article sur les propriétés des Jobarbilles ? a-t-elle encore une provision suffisante de sucacides ?) elle se dirigea à la table des Poufsouffle sous le regard des professeurs et regroupa sa maison :

« Chers élèves, chers p’tits loups, votre attention s’il vous plaît ! Oui, je sais que ce qui se passe là-bas a l’air très intéressant, mais je compte bien vous entretenir à ce sujet ! Ah, merci, voilà, retournons tous nous asseoir ! Quoi, je vous infantilise ? Non, pas du tout, je… Mais… Est-ce que je pourrais en placer une ? Non ? Mais je vais vous donner une occasion de m’appeler la Gorgone si ça continue ! Pffiou, on y a arrive. Donc, je voudrais votre attention. Nous sommes tous sous le choc et… ah oui, c’est vrai, c’est une Serpentard… bon, nous sommes tous très loyaux et ne manquerons pas de souligner notre désarroi face à l’invasion de cette si noble école ! Le directeur vous demande de rejoindre votre salle commune et Miss Frost se chargera de mener cette tache à bien. Je vous rejoindrais là-bas pour vous donner plus d’informations, promis… quoi, quoi ? Je n’ai qu’une parole, voyons ! Et sachez que je vous gâte trop ! Les autres n’auront certainement pas droit à une explication, et… Bon, ouste, restons disciplinés. A tout à l’heure ! »

Elle resta là un moment à observer ses élèves s’en aller, pas trop habituée à faire face à ce genre d’épreuves, et soudain intriguée : Ne devrais-je pas me vexer ? Personne encore n’a requis mon expertise, c‘est presque imaginer que je suis une imposture ! Personne ne s’intéresse donc à la divination ? Le directeur est déjà parti, les groupes déjà formés, l’incident est presque déjà clôt… et tu n’a pas de rôle à jouer, Hybrid. Hum… Crée-le, dans ce cas : trouves quelque chose, fais avancer l’enquête… Mouah ah ah, ça, ça me plaît déjà !

Un rayon de soleil passa à travers la fenêtre à droite du lit de la jeune fille. Déjà l'heure de se lever. Elle n'aurait peut-être pas dû lire ce livre de contes pour enfants qu'elle aimait tant jusqu'à tard. La jeune Kajsa émergea doucement, TRES doucement de son sommeil. La sentant remuer, son chat sauta sur ses pas, et entreprit de lui lecher la figure. Cette chère Mosippa. Toujours là pour réveiller sa maîtresse.

Kajsa s'extirpa tant bien que mal de son lit, s'habillant avec paresse. Une fois prête, elle descendit dans la Grande Salle, son ventre réclamant à manger. Mais n'ayant pas un sens de l'orientation très développé, elle se perdit encore une fois dans le château, à cause des escaliers qui bougeaient. Elle finit néanmoins par trouver la Grande Salle et alla s'installer à la table des Serdaigle. Comme chaque matin, elle sortit un livre - cette fois-ci c'était celui de potion car elle avait cours plus tard dans la journée - et le cala tant bien que mal à côté de son assiette. Et se servit de tarte au citron et de jus de citrouille bien frais et commença sa lecture. Mais quelque chose la gênait dans l'ambiance de la salle. N'étant jamais au courant de rien, elle ne savait pas ce qu'il se passait dans le château depuis plusieurs jours et ne cherchait pas franchement à savoir, n'étant pas d'une nature très curieuse. Mais cette ambiance tendue et inquiète la touchait quand même. Elle replongea néanmoins dans son livre. Un bruissement d'aille au dessus de sa tête la fit sortir de ses notes sur le cours de potion. Elle regarda en l'air et vit une chouette qu'elle connaissait bien se diriger vers elle. C'était la chouette de sa mère qui lui apportait un gros paquet. Elle s'empressa de l'ouvrir et y découvrit deux livres sur Poudlard qu'elle avait prévu d'acheter bientôt. Entre les deux livres, un petit mot en suédois écrit par sa mère y était glissé.

A peine avait-elle lu trois pages d'un de ses nouveaux livres que quelque chose s'agita à la table des Serpentard. Ou plutôt quelqu'un. Une fille semblait mal. Kajsa ne pouvait pas bien voir d'où elle était mais elle vit la fille s'écrouler à terre. Décidement, il se passait quelque chose de grave dans cette école. Le directeur se fraya un passage parmis la foule des élèves qui s'étaient approchés pour mieux voir, suivi de près par le Professeur McKeir et un autre professeur. Doucement, Kajsa rangea son livre, finit son jus de citrouille et avala le dernier morceau de tarte sans quitter la scène des yeux. Curieuse ou pas, elle était intriguée mais ne bougeait pas de sa place. Rapidement, la jeune fille, qui semblait avoir son âge, fut emmenée hors de la salle, sans doute à l'infirmerie, et les préfets firent signe à leur condisciples respectifs de les suivre. Elle repéra la préfète de Serdaigle et se leva enfin pour se diriger tant bien que mal vers elle malgré les élèves qui poussaient de tous les côtés, la chouette de sa mère sur son épaule ou volant au dessus de sa tête. Elle fut bousculée de tous les côtés, fit tomber ses nouveaux livres, se fit marcher sur les mains en les ramassant et faillit tomber trois fois quand enfin elle réussit à rejoindre les Serdaigle. Elle suivit le groupe pour rejoindre la salle commune. Une fois à l'interieur, aucune indication ne leur fut donnée mis à part le fait de ne pas sortir de la salle pour le moment. N'ayant rien d'autre à faire, Kajsa sortit sa plume, son encre et un parchemin et entreprit de remercier sa mère pour les livres. La lettre terminée, elle la donna à la chouette et la regarda s'envoler par la fenêtre.

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